samedi 24 novembre 2007

Poutine et la fin de la démocratie russe.

Avec les arrestations de Garry Kasparov et Lev Ponomarev, hier, orchestrée par les forces de police gouvernementales (Omon), la Russie de Poutine s’est engagée une nouvelle fois vers une politique absolument anti-démocratique. Quel scandale de voir les militants du parti de l’opposition, L’Autre Russie, frappés puis emprisonnés pour des motifs entièrement arbitraires, à la suite d’un ordre direct du Kremlin ! Il faut dire que la fédération s’apprête à organiser le 26 novembre un scrutin pour élire un nouveau président, place occupée depuis maintenant 8 ans par monsieur Vladimir Poutine. Trop soucieux de préserver son assise démocratique, Poutine ne brigue pas–fort heureusement- un troisième mandat successif, acte anticonstitutionnel, mais ne s’empêche pas à présent de se mêler directement des futures affaires du pays : non seulement l’animal politique n’a pas trouvé d’autre idée que de conduire la liste de son parti aux prochaines législatives– ô combien populaire, avec ses 70% d’accréditations – mais il a aussi pris la liberté de nommer purement et simplement son successeur à la magistrature suprême ! Quelle belle démonstration des avancées démocratiques énoncées par Eltsine lors de son mandat !

Mais revenons un instant sur le phénomène Poutine : pourquoi cet homme, inconnu il y a dix années, arrive désormais à obtenir la confiance de plus des ¾ de ses compatriotes ? Par le succès de ses réformes ? Certainement pas ! Les politiques de développement économiques lancées en Russie depuis les années 2000 sont totalement inopérantes, sabotées de toute part par les oligarques à la tête de véritables empires financiers,comme Sergueï Ivanov, à la fois premier ministre et dirigeant de Gazprom, la première compagnie pétrolière du pays ! Quel référence pour la promotion de politiques sociales visant à réduire l'influence des mafias omniprésentes! Préférant un protectionnisme acharné, les russes ont ainsi raté le train de la mondialisation, en se coupant des investissements étrangers. L’avenir nous dira si cette politique, assez marginale sur le continent eurasiatique, aura porté ses fruits ; néanmoins, on ne peut que constater les conséquences immédiates : le niveau de vie n’a pas augmenté depuis l’arrivée de Poutine ! Certes, direz-vous, la Russie a remboursé intégralement sa dette au Club de Paris, mais ceci dans l’optique de disposer d’une plus grande marge de manœuvre interne, afin d'élargir son champ d'action à l'interieur de ses frontières sans pouvoir être inquiété par qui que ce soit !

En effet, plusieurs dossiers épineux préoccupent la communauté internationale sur les agissements du pouvoir moscovite, et le meilleur exemple est bien la guerre tchétchène, commencée en 1998 par un certain ... colonel Poutine! Pourtant devenue un véritable fiasco, tant sur le plan politique, l’intervention russe n’ayant fait qu’attiser les tensions des républiques voisines, que militaire, la Tchétchénie étant devenue une zone de non droit total, ce conflit n’a jamais connu autant de soutien populaire que de nos jours! Cheval de bataille du gouvernement poutinien, cette guerre n'aura en fait été qu’un moyen au président russe pour s’assurer le soutien de la population afin de trouver un terrain fédérateur, sur lequel peuvent s'identifier toutes les classes populaires du pays, qui ne voit plus, de fait, les autres éches enregistrés, grâce à un véritable embrigadement à tous les niveaux, comme en témoigne les journaux moscovites, dénonçant les terroristes tchétchènes , ou bien les nombreux films de propagande (rappelant par ailleurs l’ère stalinienne), commandés par le Kremlin… Bref, cette guerre idéologique et surtout raciste, aura permis au gouvernement de trouver son bouc émissaire, en la personne d’un peuple pourtant issu de l'ex-URSS, qui ne désirait à la base que plus d’indépendance face aux prérogatives russes, et dont les revendications violentes ne furent établies que par une minorité, financée de plus par des gouvernements étrangers. On retiendra donc de ce conflit illégal des manoeuvres politiques honteuses et impropres à une nation qui se réclame héritière de la démocratie européenne!

Engagé dans ce processus plutôt radical de gestion sociale, Poutine, ne pouvant pas faire machine arrière – il ne ferait ainsi qu’avouer son échec ! – a conduit la société russe dans une forme nouvelle que l’on pourrait définir par « l’anarchie contrôlée ». Ainsi, de nos jours, la justice est tout bonnement inféodée au Kremlin, et la sécurité n’est plus assurée que par le secteur de protection privé, qui compte aujourd’hui plus de 3 millions d’employés ! Le pays s’appuie par-dessus le marché sur des forces armées très puissantes – dont les groupes anti-émeutes Omon – qui se traduit par un investissement de 25% du PIB dans la « défense nationale » !!! S’en suit les nombreuses dérives de l’état policier : arrestations arbitraires sans respect des procédures, jugements hâtifs, agissement des mafias souvent tolérés, et surtout la liberté totale et l’impunité pour les chefs militaires…

Mais malgré ces positions scandaleuses, Poutine n’est guère inquiété sur la scène internationale ; d’ailleurs qui pourrait s’y opposer ? L’Europe connaît aujourd’hui une forte dépendance énergétique à la Russie, qui possède des ressources d’hydrocarbures phénoménales ; les Etats-Unis sont totalement discrédités par leur enchevêtrement au Moyen-Orient ; et l’ONU n’est aujourd’hui plus que l’ombre d’elle-même, sans l’équilibre qui existait par la présence des anciennes deux superpuissances… Bref, la route est libre pour le président qui ne manque pas d’en profiter, comme l’ont montré les dernières arrestations d’opposants politiques récemment. Car cet épisode n’en est qu’un parmi tant d’autres, et Russie Unie est maintenant le seul parti susceptible de remporter ces prochaines élections, faute au retrait de l’opposition. Les Russes, qui pensaient depuis 1956 avoir fini avec la dictature d’un seul, devraient peut-être s’inquiéter aujourd’hui de cette montée d’autoritarisme qui n’apporte que violences et discréditations à une fédération voulant pourtant jouer un nouveau rôle sur le plan mondial.

La démocratie russe avait après la chute du communisme l’espérance d’une existence juste et fondée sur des principes respectueux des libertés fondamentales, qui pouvait se poser une nouvelle fois en contrepoids du modèle américain remis en cause. Mais le président Poutine, sous prétexte d’une politique « bénéfique à la nation russe entière » en a préféré autrement, plongeant son pays dans une situation catastrophique, précipitant l’avènement d’un gouvernement autoritaire ne se servant que lui-même.